Archive dans 23 juin 2022

Modèles pilotés par les données de simulations atomiques dans des espaces d’états discrets et continus

Thomas Swinburne

CINaM, Marseille

Construire des modèles pour la plasticité, la thermodynamique et la cinétique des métaux est un défi car les aspects subtils de la cohésion atomique doivent être fidèlement reproduits et les prédictions nécessitent souvent une moyenne sur de grands ensembles de configuration complexes. Je discuterai de la manière dont les paysages énergétiques des systèmes atomiques peuvent être rapidement explorés à grande échelle et « coarse-grained » lorsque la dynamique est thermiquement activée, donc séparée en échelle [1,2] et comment les techniques basées sur les données, généralement utilisées pour régresser les énergies pour les modèles cohésifs modernes, peuvent être utilisés pour capturer une gamme beaucoup plus large de propriétés telles que l’entropie des défauts[3] ou les propriétés de dislocation. Lorsque la dynamique n’a pas une séparation d’échelle de temps claire, le grain grossier est beaucoup plus difficile. Je discuterai de la manière dont une approche basée sur les données peut fournir une solution, produisant des modèles de substitution efficaces qui peuvent prédire l’évolution des ensembles de nanoparticules et le rendement de microstructures complexes, offrant de nouvelles perspectives pour les approches de modélisation multi-échelles[4].

 

[1]  TD Swinburne and D Perez, NPJ Comp. Mat 2020, MSMSE 2022
[2]  TD Swinburne and DJ Wales JCTC 2020, 2022
[3]  C Lapointe et al. PRMat 2020
[4]  TD Swinburne, In Prep.

Propriétés optiques du phosphore noir : du cristal massif aux couches atomiques

Résumé

Le phosphore noir est un semi-conducteur à petit gap (environ 0.3 eV) ayant récemment rejoint la famille des matériaux bidimensionnels. Sa bande interdite modulable du moyen infrarouge au visible selon l’épaisseur, sa forte anisotropie dans le plan atomique ainsi que la grande mobilité des porteurs de charges lui promettent un haut potentiel applicatif dans le domaine de l’optoélectronique. L’objectif de cette thèse a été d’étudier les propriétés optiques du cristal de phosphore noir ainsi que de ses feuillets atomiques.

Après une description des différents développements instrumentaux réalisés au cours de cette thèse, les méthodes de fabrication des échantillons sont abordées. Deux points sont à maîtriser : l’élaboration de couches fines et leur protection des conditions ambiantes pour éviter leur oxydation. Dans une première partie, plusieurs méthodes dites « Top-Down » (exfoliation mécanique et assistée à l’or, gravure ionique) sont comparées sur la base de la qualité, la taille, l’épaisseur des échantillons obtenus ainsi que de la facilité d’exécution du mode opératoire. La seconde partie présente deux méthodes de protection des couches fines: la passivation à l’alumine (par ALD ou évaporation d’aluminium) et l’encapsulation dans des feuillets de hBN (hétérostructure hBN/BP/hBN).

La forte anisotropie du phosphore noir fait que la détermination de l’orientation des axes cristallographiques est un point clé dans l’étude du matériau. Dans ce but, un mode opératoire a été proposé qui utilise la spectroscopie Raman polarisée. Celui-ci a été confronté puis validé par différents moyens expérimentaux (observations TEM, EBSD) et théoriques (modélisation de l’intensité Raman dans des couches fines). Les propriétés vibrationnelles ont également été étudiées en fonction du nombre de couches atomiques. Plusieurs effets ont été remarqués à haute (> 100 cm-1) et basse (< 100 cm-1) fréquences et sont

attribués à la réduction de dimensionnalité et à des phénomènes de résonnance. Grâce aux conditions expérimentales d’excitation utilisées, un grand nombre de modes relatifs aux vibrations inter-plans sont mis en évidence pour la première fois et se sont révélés être des indicateurs précis de l’épaisseur des cristallites.

La photoluminescence du cristal massif a été étudiée pour la première fois à température ambiante et cryogénique. Plusieurs composantes d’émission en bord de bande de nature excitonique ont été identifiées dont une raie fine due à l’exciton libre. L’analyse de leur comportement en fonction de la température ainsi qu’un calcul de l’énergie de liaison de l’exciton libre prenant en compte l’anisotropie du milieu ont permis d’établir une nouvelle valeur de référence du gap du phosphore noir à 0.287 eV à 2 K. L’étude en photoluminescence des cristaux exfoliés a révélé la disparition de la raie fine de luminescence au profit d’une bande large. Ce changement est attribué à la densité de défauts introduits par l’exfoliation mécanique ainsi qu’en atteste l’élargissement des bandes en spectroscopie Raman. La bande de photoluminescence a été suivie en fonction de l’épaisseur des couches exfoliées jusqu’à 8 couches atomiques. En dessous d’une épaisseur seuil évaluée à 25 nm, un décalage de la bande vers les hautes énergies est mis en évidence, dont le comportement est très bien décrit par un modèle de confinement quantique. Aucune différence significative n’est observée entre les échantillons passivés alumine et encapsulés dans du hBN ce qui indique que les effets de diélectriques ne sont pas prépondérants dans la gamme d’épaisseur étudiée.

Mots clés: Phosphore noir, Matériaux 2D, Photoluminescence infrarouge, Spectroscopie Raman

Candidat:
Etienne Carré

Jury:
Christophe TESTELIN – Directeur de recherche, CNRS, Sorbonne Université – Rapporteur
Laëticia MARTY – Chargée de recherche, CNRS,Université Grenoble Alpes – Rapporteur
Bruno MASENELLI – Professeur des universités, INSA Lyon – Examinateur
Aurélie PIERRET – Ingénieure de recherche, CNRS, École Normale Supérieure Paris – Examinatrice
Pierre SENEOR – Professeur des universités, CNRS, Université Paris Saclay – Examinateur
Annick LOISEAU – Directrice de recherche, ONERA, Sorbonne Université – Directrice de thèse
Julien BARJON – Professeur des universités, UVSQ – Directeur de thèse
Ingrid STENGER – Maîtresse de conférences, UVSQ – Encadrante

 

Jeudi 23 Juin 2022 à 14h30
Salle Contensou, ONERA, 29 Avenue de la Division Leclerc,92320, Chatillôn

Modélisation de la propagation d’une fissure courte en matériau ductile par couplage entre champ de phase et dynamique des dislocations

Résumé

Dans ce travail, nous proposons un nouveau couplage entre deux méthodes à l’échelle mésoscopique permettant d’étudier l’interaction d’une fissure mobile avec une microstructure de dislocations en trois dimensions. En premier lieu, la propagation d’une fissure est modélisée par un modèle de champ de phase. Dans cette approche, la fissure est décrite par un champ d’endommagement continu dont la propagation est pilotée par la minimisation de l’énergie libre du système, intégrant l’énergie élastique stockée dans le matériau et l’énergie de surface associée aux lèvres de la fissure. En second lieu, la microstructure de dislocations est décrite par un modèle de Dynamique des Dislocations (DD). Ce type de modèle permet en effet de simuler la déformation plastique par le mouvement des dislocations sous chargement externe.

Pour réaliser le couplage, nous avons utilisé l’approche dite MDC (Modèle Discret-Continu) où les dislocations sont représentées par des champs (eigenstrain ou tenseur de Nye) dans un solveur élastique. Pour des raisons d’efficacité, nous avons utilisé des solveurs à base de transformées de Fourier rapides (FFT). L’utilisation de schémas de discrétisation particuliers nous ont permis de minimiser l’étalement des cœurs de dislocation, adopté généralement dans les approches MDC. Nous avons étudié les différents schémas en identifiant leurs performances en terme de qualité des champs prédits. Par ailleurs, nous avons porté une attention parti- culière à l’optimisation de l’implémentation en recourant à la parallélisation de nos algorithmes.

Grâce à ce nouveau couplage, nous avons pu étudier l’écrantage élastique sur la propa- gation de fissure suivant la nature des systèmes de glissement et la densité de dislocations présentes, mais également des phénomènes et d’ingrédients rarement pris en compte comme le glissement dévié des dislocations proches du front de fissure ou encore le nombre de sources environnantes. Cette méthode mésoscopique constitue une avancée pour l’analyse fine des mécanismes physiques contrôlant les premiers stades de la rupture des matériaux métalliques.

Mots clés : Fissure, Plasticité, Modélisation multi-physique, Dynamique des Dislocations, Champ de phase

Candidat:
Luis Eon

Jury:
Stéphane Berbenni – Directeur de Recherche CNRS, LEM3, Metz – Rapporteur
Samuel Forest –  Directeur de Recherche CNRS, CDM, Evry  – Rapporteur
Véronique Doquet – Directrice de Recherche CNRS, LMS, Palaiseau  – Examinatrice
Lionel Gélébart – Ingénieur-chercheur HdR,  CEA/DEN, Gif-sur-Yvette – Examinateur
Rénald Brenner – Directeur de Recherche CNRS, D’Alembert, Paris – Examinateur
Yoann Guilhem – Maître de conférences, LMPS, Gif-sur-Yvette – Examinateur
Riccardo Gatti – Chargé de Recherche CNRS, LEM, Châtillon – Encadrant de thèse
Benoît Appolaire – Professeur des Universités, IJL, Nancy – Directeur de thèse

Mardi 14 Juin 2022 à 10h00
Salle Contensou, ONERA, 29 Avenue de la Division Leclerc,92320, Chatillôn

Plasticité sans dislocations dans les métaux à petits grains

Marc Legros, Romain Gauthier, Armin Rajabzadeh, Frédéric Mompiou et Nicolas Combe

CEMES-CNRS, Toulouse

La plupart des matériaux cristallins qui nous entourent (métaux, alliages, céramiques) sont polycristallins, constitués de « grains », séparés par des « joint de grains ». Ces frontières entre domaines d’orientation différentes déterminent certaines propriétés physiques et notamment leur comportement mécanique. On peut par exemple rendre malléable une céramique ou au contraire durcir un métal en réduisant la taille de ses cristallites à travers la fameuse loi de Hall-Petch [1,2], établie de façon phénoménologique pour les aciers il y a 70 ans. Physiquement, cette relation peut s’expliquer par l’effet d’obstacle que jouent les joints de grains sur les dislocations, qui sont les vecteurs principaux de la déformation plastique. Lorsque les grains deviennent nanométriques, le seuil de plasticité sature ou décroit, ce qui est généralement attribué à des processus plastiques portés par les joints de grains eux-mêmes, comme la rotation, le glissement intergranulaire et/ou le couplage migration/cisaillement. Des mécanismes surtout observés dans les métaux à petits grains, mais rarement quantifiés expérimentalement, hormis lors d’expériences sur bicristaux [3]. Le modèle de Cahn & Mishin (C&M) [4,5], qui a popularisé le couplage migration-cisaillement, prévoit que le facteur de couplage augmente avec la désorientation du joint. En d’autres termes, lorsqu’un joint migre, il produit d’autant plus de cisaillement que sa désorientation est forte. Les rares mesures faites sur polycristaux, expérimentalement plus complexes à réaliser, ne semble pas attester cette tendance. Et les nanocristaux métalliques ne sont pas connus pour leur déformabilité.

Pour en avoir le cœur net, nous avons, depuis une dizaine d’années étudié les mécanismes de déformation liés à la migration des joints de grain, à la fois en microscopie électronique en transmission (MET) in situ , à l’aide de simulations atomiques par dynamique moléculaire et plus récemment par microscopie à force atomique (AFM), le tout couplé avec des techniques de cartographie d’orientation cristalline. On peut ainsi suivre le mouvement de joints connus et même quantifier de façon statistique le cisaillement produit dans de l’aluminium à grains ultra fins. En l’absence de dislocation, ce couplage migration-cisaillement est le principal vecteur de la déformation plastique [6]. Ce couplage est par contre beaucoup plus faible que celui prédit par le modèle C&M, ce qui explique le faible rendement des mécanismes de plasticité par joint de grains, et donc la faible ductilité des nanocristaux métalliques.

[1]   EO Hall. The deformation and ageing of mild steel: III Discussion of results. Proceedings of the Physical Society Section B 1951;64:747–53.
[2]   NJ Petch. The cleavage strength of polycrystals: Journal of the Iron and Steel Institute, v. 174. 1953
[3]   T Gorkaya, DA Molodov, G Gottstein. Stress-driven migration of symmetrical 〈100〉 tilt grain boundaries in Al bicrystals. Acta Materialia 2009;57:5396–405.
[4]   JW Cahn, JE Taylor. A unified approach to motion of grain boundaries, relative tangential translation along grain boundaries, and grain rotation. Acta Materialia 2004;52:4887–98.
[5]   JW Cahn, Y Mishin, A Suzuki. Coupling grain boundary motion to shear deformation. Acta Materialia 2006;54:4953–75.
[6]   R Gautier, A Rajabzadeh, M Larranaga, N Combe, F Mompiou, M Legros. Shear-coupled migration of grain boundaries: the key missing link in the mechanical behavior of small-grained metals. Comptes Rendus Physique 2021;22:1–16.

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